SUR FOND DE VIN ROUGE SANG... : une nouvelle métaphorique
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INTRODUCTION : C'est une nouvelle métaphorique...
Il m'a encore frappée, en plein visage, mais c'est à cause d'elle. Méchante bouteille qui ne le laisse pas en paix, pas un instant, et pourtant il est si charmant quand elle est en sourdine, mais c'est à cause de moi, à cause de nous...
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Elle dormait au fond des caves humides et sombres, si seulement nous l'y avions laissée ! Mais nous avons été insouciants dans nos rires de vie, et en un moment d'euphorie, nous avons la bouteille sortie. Pire : nous l'avons débouchée, débauchée, et le vin bu...
Alors, il est devenu de colère violent, tout à coup, s'est mis à menacer aux premiers vents d'été, il s'est mis à frapper. En plein visage, laissant des marques violacées sur nos peaux fragiles et jeunes, ou parfois plus âgées.
Il s'est mis à fouetter comme jamais.
Oh, il avait déjà grondé sa violence enveloppée des mensonges opaques, mais nous disions alors : « C'est nous qui l'avons courroucé, nous avons sorti le vin, bien qu'il existât avant nous mais nous l'avons répandu, telle une flaque de mort pourpre, un manteau déchiré... »
Et la nuit s'est levée, noirceur soudain sans limites et sans fin tandis qu'il s'est mis à frapper, de plus en plus fort, de plus en plus souvent.
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J'ai cherché un lieu de répit et j'ai trouvé mes rêves, il les a piétinés, tel un rien. Et puis il m'a frappée, le visage dissimulé de mensonges et j'ai crié : « Je ne crois plus tes mots ! » La pluie de coups a redoublé.
J'ai regretté d'avoir sorti la bouteille et répandu le vin. Du fond de mon rêve ou bien de mon cauchemar, j'ai dit : « Nous sommes coupables, ne le savez-vous pas ? » Des regards ébahis fixaient le mien, tandis que d'autres acquiesçaient, murmurant de concert : « Nous sommes coupables d'exciter sa violence et sa haine aveugle ! »
Plus tard, bien plus tard, à bout de forces mais en vie encore, j'ai voulu bercer mon enfant. Il m'a dit : « Non ! », j'ai demandé : « Pourquoi ? » Il a crié : « Pauvre folle sans conscience, mais tu vas le tuer ! »
« Ne l'approche pas », a-t-il vociféré tandis qu'il sortait l'enfant de son berceau divin et doux et blanc. Il s'est mis à hurler en même temps que lui, et son haleine sentait le mauvais vin : « Tu vas le contaminer ! »
Il m'a frappée encore et j'ai pensé au vin doux qui n'avait rien à voir avec sa colère folle, ce vin que nous avions bu tous ensemble, que s'était-il passé ?
Et soudain, j'ai compris : ce n'est pas lui mais c'est le vin mauvais : le vin est un virus et un poison, le vin tue plus que tout la raison. Ce n'est pas lui, ce n'est pas moi, ce n'est pas nous, ce n'est pas vous : c'est le vin ! Ce poison doux qui ressemble à la vie mais qui nous tue à petit feu, plus sûrement que la vie et la mort réunies...
Il me frappe encore plus fort mais à présent je sais, j'ai compris la leçon : c'est le vin violent qui tue, la bouteille infernale telle une ronde éternelle qui nous enferme, violente notre raison, mais un jour nous en sortirons. Parce que nous jetterons toutes les bouteilles de vin, de vie et d'eau de vie loin de nous, quand nous aurons compris, du fond de nos cachots, qu'il faut raison garder derrière le masque des folies... Lorsque nous obéirons, sans poser de question, il cessera de frapper, il nous l'a dit, nous l'a promis, alors nous le croyons...
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Du fond de ma prison, je bouge un peu la tête, de droite à gauche, mais mon cou me fait mal, entravé d'un bâillon qui suspend ma raison, voile mon visage. Ne reste que les yeux, je respire de plus en plus mal mais demain, tout ira mieux, lorsque le vin, le vent, le virus de la folie seront tombés, les masques aussi, nous irons mieux, nous sortirons d'ici, papillons libres, je te le dis. Nous sortirons. D'ici. Papillon.
En attendant ce grand moment, d'un doigt tremblant, du fond de ma cellule, je dessine sur le mur en pierre noire les contours du drapeau de mon pays : ses étoiles jaunes, la grande et les autres, plus petites, oui, ses étoiles dorées sur fond de vin rouge sang...